Analyse économique de la situation actuelle (10/04/2020)
Crise du coronavirus : quels scénarios de sortie de crise, quelles mesures, quels impacts sur le marché du crédit ?…
Quels sont les scénarios économiques et financiers de sortie de crise ?
À l’échelle mondiale, la récession n’est plus une option c’est une certitude, la Banque de France annonce une baisse de 6% pour le PIB Français. On se demande à quoi va ressembler l’après crise. C’est pourquoi les économistes et prévisionnistes tentent désormais de déterminer la courbe de l'activité mondiale, dans cette crise inédite. Voici les différents cas possibles dans un horizon de 6 mois.
Profil de croissance en L (40% de chance de se produire) C’est le scénario catastrophe. La récession se transforme en dépression mondiale. Pour qu’il se réalise cela supposerait une diffusion incontrôlée du coronavirus qui obligerait à prolonger le confinement jusqu’à l’été, ce qui aurait un impact négatif irréversible sur la consommation entrainant une crise économique durable qui ne pourrait pas être soutenue par les diverses plans de relance monétaires et budgétaires. Les entreprises feraient massivement défaut. Les États-Unis seraient eux aussi brutalement impacté par la crise entrainant une explosion du chômage au T2. Sur les marchés, on constaterait une poursuite de l’écartement des spreads de crédit et un maintien de la volatilité à un niveau extrême.
Profil de croissance en U (55% de chance de se produire) C’est le scénario du moindre mal. On assisterait à une diffusion maitrisée du coronavirus et une sortie de confinement plus tardive qu’espérée mais pas pour autant dramatique, si bien que la récession mondiale ne serait que de courte durée. C’est plus ou moins ce que l’on constate en Chine. Le retour au travail serait progressif et les pertes d’emplois inévitables mesurées. La croissance des entreprises serait négative mais pas catastrophique pour leur résultat grâce aux prêts pour sauver leur trésorerie. On assisterait un resserrement des spreads entre Investment Grade et le High Yield. Sur le marché actions, il y aurait une hausse de 10% à 20%. Et le PMI Composite serait en phase de rebondissement au T2.
Profil de croissance en V (5% de chance de se produire) C’est le scénario idéal. La reprise serait aussi rapide que la chute. Si le confinement et l'arrêt de l'activité n'empêchent pas la récession, l'idée est donc que l'activité reprenne aussi vite, sous l'impulsion des plans de soutien et de relance dans le monde entier. Cela impliquerait aussi un retour à la normale sanitaire rapide pour éviter aux entreprises des défaillances et des licenciements massifs, ce qui est possible à condition de découvrir un médicament ou un vaccin. Le marché actions verrait une hausse de 20% à 30% et une volatilité faible. On pourrait voir apparaître une Europe fédérale après la présence des États-Providences forts.
Horizons monétaires et budgétaires : du « whatever it takes » au « whatever it cost » général
À l’échelle mondiale, les banques centrales ont annoncé des plans de relance sans précèdent pour faire face aux enjeux, relancer la confiance des agents économiques et soutenir l’économie réelle notamment en venant en aide des entreprises. Elles ont annoncé la mise en place d’un quantitative easing illimité, d’un programme d’achats de dette Corporate inédit et veulent faciliter l’octroi des crédits à l’instar du plan de prêts aux entreprises garantis par l’État en France. On voit donc que les banques essayent de mettre en œuvre des leviers pour assurer une reprise économique rapide entre l’avant et l’après confinement, à l’inverse de 2008 où elles avaient peu agi.
Aux États-Unis, Donald Trump veut recourir à une technique controversée de l’hélicoptère money perçus comme un remède miracle à la crise ; il s’agit d’envoyer des chèques aux travailleurs pour relancer la consommation. La FED annonce en parallèle un nouveau plan de rachat d’actifs de toute la dette High Yield ce qui va continuer à mettre de l’huile dans les rouages.
En Europe le 9 avril, les Vingt-Sept s’accordent sur un vaste plan commun de soutien à hauteur de 540 milliards d’euros pour faire face à la crise économique provoquée par le Covid-19. La réponse européenne doit s'orienter sur trois axes principaux : jusqu'à 240 milliards d'euros de prêts du fonds de secours de la zone euro, un fonds de garantie de 200 milliards d'euros pour les entreprises et jusqu'à 100 milliards pour soutenir le chômage partiel. On comprend donc que la crise sanitaire touche tous les pays qui parviennent finalement à trouver une réponse commune illustrant leur solidarité.
La conséquence de ces différentes politiques monétaires : vers une reprise de l’inflation ? Tous les plans de relance inondent les marchés de liquidité ce qui revient à créer de la monnaie et devrait en théorie provoquer une montée des prix. Néanmoins, depuis la crise de 2008 il n’y a pas d’inflation, la cible des 2% peine à être atteinte. L’idée d’une reprise de l’inflation reste donc mitigée.
Comment profiter des spreads de crédits sur le marché obligataire ? Quelles sont les stratégies à adopter ?
Le marché du crédit obligataire a souffert. Le coût de financement des entreprises explose, les fonds investis dans la dette à haut rendement font face à des sorties massives qui assèchent la liquidité sur le marché entrainant sa dislocation. On constate une forte hausse des écarts de cours et une baisse de cours de certains ETF allant jusqu’à 20% donc plus importantes que celles des actifs sous-jacents. Ainsi si les obligations à haut rendement ont souffert il y a des opportunités d’achat d’obligations d’entreprise de qualité Investment Grade du fait des baisses de prix excessives. De plus, les achats massifs des banques centrales devraient favoriser un resserrement des écarts de crédits et au travers des fonds les investisseurs pourraient bénéficier des programmes de rachats.
Zoom sur la France
Le ministre de l’Économie et des Finances appelle les entreprises optant pour le chômage partiel à ne pas verser de dividendes. Si bien que dans le secteur bancaire, Natixis et Société Générale ont annoncé que les dividendes prévus pour 2019 ne seraient finalement pas proposés. À l’inverse d’autres grands groupes préfèrent ne pas avoir recours aux aides de l’État et veulent pouvoir servir des dividendes aux actionnaires pour préserver leurs cours de bourse.
On note aussi les assouplissements du Code du Travail en période de crise sanitaire et les dispositifs mis en place comme le chômage partiel qui indemnise le salarié à hauteur de 70% du salaire brut et 84% du salaire net et pris en charge intégralement par l'État jusqu'à 4,5 Smic. Selon un dernier bilan en date, il a été demandé par 220.000 entreprises pour 2,2 millions de salariés.
En quelques mots ...
Depuis le début de semaine on constate un rebond fort qui montre que les problèmes actuels devraient être temporaires et revenir sur un rythme normal sans pour autant rattraper le retard engendré par le confinement. Le marché est sur un trend positif à court terme mais peut faire face à des décrochages ponctuels ; tout repose maintenant sur la gestion du déconfinement et l’ampleur de la crise sanitaire aux États-Unis. Parallèlement, on constate que le Nasdaq a franchi des seuils significatifs sur les moyennes mobiles 50 jours.