Le taux d’usure : une protection peu arrangeante pour les consommateurs

 

LA MOITIé DES dossiers de crédit immobilier acceptables par les banques ne passent pas du fait du taux d’usure

TRIBUNE du 25/07/2022

Le taux d’usure à l’usure des ménages !

Depuis le 1er juillet, le taux d’usure pour un crédit immobilier de 20 ans ou plus est fixé à 2,57%. Les répercussions sont sans appel : un ménage sur cinq voit son crédit immobilier refusé car la banque dépasse le taux légal !

Calculés par la Banque de France tous les trimestres, ces taux d’usure correspondent au taux maximum auquel il est possible d’emprunter. Il en existe un pour chaque catégorie de prêt (crédit consommation, crédit immobilier, etc.), et les seuils varient naturellement en fonction de la durée des prêts et des montants d’emprunt.

Le calcul de ces taux d’usure est basé sur le taux moyen accordé le trimestre précédent dans chaque catégorie, rehaussé d’un tiers ; les moyennes étant calculées à partir d’un échantillon de prêts contractés auprès des principaux établissements bancaires.

A titre d’exemple, lorsqu’une personne cherche à contracter un emprunt, la banque doit faire apparaître dans son offre le TAEG, Taux Annuel Effectif Global, qui permet au consommateur de comparer les offres de prêt. Ce TAEG est composé du taux d’intérêt de base (ou taux nominal), des frais y compris de garantie, commissions et rémunérations diverses nécessaires à l’obtention du prêt, et des primes d’assurance emprunteur.

Le TAEG du prêt ne peut dépasser le taux d’usure, au risque pour les banques de s’exposer à des sanctions, car le crédit accordé est alors jugé illégal.

Aujourd’hui, cette législation, qui se veut protectrice de l’emprunteur, entrave fortement sa capacité d’emprunt dans un contexte d’inflation rapide comme nous le connaissons actuellement. La forte hausse des taux d’intérêts évolue, en effet, plus vite que le taux d’usure trimestriel.

Quand un ménage de 55 ans, tous deux cadres dirigeants, se voit refuser un prêt pour un bien locatif de 350 000 €, alors que leur endettement est quasi nul et que leurs revenus sont largement suffisants, il est essentiel de se questionner sur la capacité d’emprunt de nombreux ménages français, et les répercussions qui s’en suivront pour de nombreux acteurs de la croissance.

Quand un célibataire, de 32 ans, ne peut réaliser son projet d’acquisition de studio de 130 000 €, dans une configuration que la banque aurait largement acceptée dans un autre contexte, il en revient encore à se demander s’il sera possible d’acquérir demain pour un primo-accédent et avec quel revenu ?

Ce taux d’usure élimine la possibilité d’emprunt de nombreuses personnes en durcissant les conditions d’octroi de manière inégalitaire, et archaïque : les personnes plus âgées, avec des professions à risque, ou malades, voient leurs primes d’assurance s’élever de plus en plus.

Le marché de l'immobilier, qui s'est montré résilient depuis la sortie de la crise sanitaire, va devoir faire face à une régression du pouvoir d'achat des acquéreurs, installant un climat de doute sur l'avenir pour de nombreux ménages. Pour assurer une continuité du marché immobilier et une pérennité sur les mois à venir, nous devons dès aujourd’hui assouplir les règles.

Dans ce cadre, nous, notaires, professionnels de la gestion de patrimoine, de l’immobilier, du crédit nous préconisons de prendre rapidement des mesures concrètes visant à garantir l’accès aux prêts de nombreux français :

-          en ne tenant pas compte de l’assurance emprunteur dans le calcul du taux d’usure ;

-          en considérant l’application des recommandations du Haut Conseil à la Stabilité Financière, qui pénalisent le calcul de l’endettement des investisseurs privés et brident l’accès aux jeunes ménages ou à revenus modestes par une durée de remboursement bloquée à 25 ans ;

-          en réduisant l’écart de temps en passant à une constatation mensuelle du taux moyen accordé et donc une révision mensuelle du taux d’usure. Cette mesure vise à limiter le décalage avec la réalité ;

-          en rendant temporairement facultative la fixation du taux d’usure sur des périodes exceptionnelles comme celle que nous vivons tout en rendant obligatoire l’information. Redonner le choix au consommateur.

Comme une majorité des professionnels du crédit, nous en appelons à une prise de conscience de la situation actuelle. Une nouvelle méthode de calcul doit voir le jour pour redonner du souffle au marché de l’immobilier et garantir un accès à l’acquisition immobilière des ménages.

 

Aymeric Richard, dirigeant-fondateur de Chartrons Patrimoine (Paris)

Pauline Artero, La Financière du Palais (Paris)

Virginie Ballieu, gérante In&Fi Crédits (Versailles)

Carole Bourgade, dirigeant-fondateur Carole Bourgade Luxury Real Estate (Bordeaux)

Nicolas de Bovis, dirigeant-fondateur Bovis Conseil et Patrimoine (Paris)

Guillaume Conjard, dirigeant-fondateur de GC Patrimoine (Lyon)

Ludivine Depret, courtier en prêts immobilier Capital In Fine (Tours)

Thomas d’Hauteville, dirigeant-fondateur de la Financière d’Hauteville (Paris)

Philippe de Montecler, dirigeant-fondateur Axihome France Immobilier

Xavier Lespinasse, Associé-gérant XL Patrimoine

Berengere Perrin-Donnot, dirigeant-fondateur AC Conseil et Patrimoine (Nancy)

Samuel Pezard, notaire associé de l’étude Roquepine Notaires (Paris)

Michael Sibony, courtier en crédit immobilier (Paris)

Thibaut Rochefort, dirigeant-fondateur de Rochefort Finance (Paris)

Alexis Rollet, dirigeant-fondateur de AR Conseil (Paris)

 
 

 
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