Note de conjoncture - juillet 2022

 

Bourse et immobilier : bilan et perspectives

1er Semestre 2022

Le contexte économique

- création monétaire et inflation

2021 a vu la reprise de l’économie mondiale, dont la croissance, malgré des tensions sur l’offre et des incertitudes économiques notamment en Chine, fut de 6%.

Le premier semestre 2022 semble pour sa part être le retour de la flamme. Rappelons que 32 000 milliards de dollars ont été injectés dans l’économie à travers le monde pour surmonter la crise de la Covid depuis 2020. Cette injection était en fait de la pure création monétaire par les banques centrales mondiales : dans la zone euro, la croissance de la masse monétaire est passée de +5% en 2019 à +12% en 2020. Et cette croissance est encore plus impressionnante aux Etats-Unis, où elle est passée de +5% en 2019 à +25% en 2020 ! Cet argent gratuit n’est pas si gratuit, nous le savions et en vivons maintenant les conséquences. En effet, la thèse de la théorie quantitative de la monnaie, formalisée par Riccardo dès le XIXème siècle, nous prédit que si la quantité de monnaie en circulation croît plus vite que la production, alors ce sont les prix qui augmentent. Friedman, grand défenseur de cette thèse, dit même que « l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire en ce sens qu’elle est et qu’elle ne peut être générée que par une augmentation de la quantité de monnaie plus rapide que celle de la production ».

Et cela se vérifie aujourd’hui. L’inflation en zone euro ne cesse d’augmenter, atteignant +8,6% sur un an en juin contre +8,1% en mai. La moitié des états-membres sont soumis à une inflation supérieure à 10%.

- Crise en Ukraine et inflation

La reprise forte et rapide de l'activité qui a suivi la mise à l'arrêt de l'économie mondiale lors des périodes de confinement durant la pandémie de Covid-19 s'est accompagnée d'une très vive hausse de la demande, nettement supérieure à l'offre dans plusieurs secteurs, entraînant d'importantes pénuries. Ce rebond économique s'est traduit, logiquement, par une forte augmentation des prix. Si un tel schéma inflationniste n'est pas surprenant dans un contexte de reprise de la consommation et a tendance à s'estomper rapidement, la situation est toute autre aujourd'hui.

À ce regain de l'activité économique s'ajoute en effet un choc d'ampleur majeure sur les prix des matières premières lié à la guerre en Ukraine. La Russie et l'Ukraine étant d'importants producteurs et exportateurs de matières premières, les prix de nombreux produits s'envolent, qu'il s'agisse des denrées alimentaires (blé, maïs, orge...), des métaux (nickel, palladium, aluminium, cuivre) ou encore de l’énergie (pétrole, gaz). 

 

- Conséquences de l’inflation

Pour contrer l’inflation grandissante, les banques centrales mondiales semblent adopter la même politique : celle de la remontée des taux. L’objectif de cette augmentation de taux est de ralentir la demande, donc la consommation, afin de revenir vers une inflation cible de 2%. C’est la banque centrale américaine, la FED, qui a ouvert la danse. En mars, les taux directeurs de la FED étaient encore proche de 0%, oscillant entre 0% et 0,25%. Aujourd’hui et après trois hausses de taux, ils sont compris entre 1,5% et 1,75%. La BCE a suivi et a annoncé une succession d’hausse des taux à partir de juillet, une première depuis plus de 10 ans.

Le danger à prévenir et maîtriser est que cette hausse endigue tellement la consommation qu’elle mène à une récession de l’économie. On peut techniquement parler de récession dans un pays ou une région lorsque celui-ci connait un taux de croissance négatif de son PIB pour deux trimestres consécutifs. La croissance du PIB américain était de -1,6% au premier trimestre 2022, attendons donc les chiffres du deuxième trimestre. En zone euro, elle était de +0,6% et en France de -0,2%.

Les actions

En 2021, le CAC 40 a augmenté de 29% sur l’année. Le CAC 40 a même connu son “all time high” le 5 janvier 2022, atteignant les 7 384,86 points et clôturant à 7 376,37, du jamais vu. Depuis, poussés par les évènements dont nous venons de parler (inflation, guerre en Ukraine, problèmes d’approvisionnement, remontée des taux), le CAC 40 et les bourses mondiales plongent : Depuis le 1erJanvier, le CAC 40 perd 16,36%, Le NASDAQ chute de 29,79%, le DOW JONES perd 14,42%... La bourse japonaise Nikkei 225 sort lauréate de cette période en limitant la chute à 9,52%.

Mais cette régression ne s'est pas faite de manière homogène, puisque nous avons connu une forte rotation sectorielle sur la période ;

  • Les valeurs de croissance, historiquement aidées par les taux restés bas pendant des années, ont subi en première ligne la remontée de l’inflation et des taux. Cette tendance est spécialement vérifiée pour les valeurs dites « techs » , d’où la chute marquée du Nasdaq.

  • A l’inverse, les valeurs de rendement, dites cyclique, sont restées dans le vert : en effet, celles-ci désignent des entreprises fiables et installées depuis longtemps, qui ne craignent pas l’inflation grâce à leur pouvoir de « price maker ». Leur élasticité prix est quasiment nulle, elles sont donc capables de compenser la hausse des prix de leur consommations intermédiaires par une hausse de prix sur le produit final sans craindre une baisse de la demande.

  • Des confinements régionaux et généralisés ont eu lieu et risquaient d’avoir lieu en Chine. Cela a impacté à la baisse les cours boursiers des entreprises de luxe : LVMH a perdu 19,33% depuis le début de l’année et Hermes a perdu 30,79%.

  • La hausse des prix de l’énergie et les difficultés d’approvisionnement dus d’une part au covid et d’autre part à la guerre en Ukraine se sont faits notamment ressentir sur les entreprises de transport, comme Renault (-21,25%) ou Air France (-70,82%)

Les obligations

Outre le relèvement des taux, dans sa volonté de lutter contre l'inflation, la BCE a annoncé mettre prochainement fin à son programme d'achats d'actifs classiques. Le resserrement de la politique monétaire européenne (hausse des taux et fin du programme APP) impactent également le marché obligataire. Les taux d’intérêt des obligations s’envolent et les écarts de taux entre pays s’accentuent. Si les taux à 10 ans allemand et français ont respectivement augmenté de 2,3 et 2,7 points entre le 1er janvier 2021 et le 14 juin 2022, les taux italien et grec ont quant à eux crû de 3,7 et 4 points sur la même période, culminant à 4,22 % et 4,66 % le 14 juin 2022.

Les écarts de taux des pays par rapport à l'Allemagne (pays de référence de la zone euro) s'accentuent (66 points de base pour la France, 248 pour l'Italie et 292 pour la Grèce en date du 14 juin 2022 ), suscitant de vives inquiétudes quant à une fragmentation potentielle de la zone euro.

Expliquons le mécanisme. Pour le calcul des écarts, le taux d'intérêt à 10 ans allemand est pris comme référence dans la mesure où l'Allemagne est le pays qui emprunte au taux le plus bas au sein de la zone euro. Dans un contexte économique fragile comme celui que nous connaissons aujourd'hui, les marchés s'inquiètent de la « santé financière » de certains États fortement endettés et leur imposent des hausses de taux supérieures à celles d'autres pays : les investisseurs qui achètent des obligations souveraines de pays très endettés - donc risqués - réclament une prime de risque très élevée, ce qui accroît les taux desdits pays.

En conséquence, ces écarts se creusent, signe d'un accroissement des déséquilibres économiques entre les pays de l'Union et faisant resurgir le spectre de la crise des dettes souveraines de 2011. En effet, les coûts d'emprunt des pays du sud de la zone, déjà très fortement endettés, étant plus élevés que ceux du nord de la zone, la soutenabilité budgétaire des premiers est mise en question : le relèvement des taux alourdit la dette publique et le risque de défaut souverain émerge.

L’immobilier

Si 2021 marque une belle année pour le marché de l’immobilier français, le 1er semestre 2022 montre un bilan plutôt mitigé. Le Dow Jones Index Real Instate, indice américain sur la santé de l’immobilier, indique d’ailleurs une chute de 25% depuis le début d’année.  La pierre conserve sa qualité de valeur refuge et continue d’attirer les investisseurs, avec une hausse moyenne au 1er juin de 7% du coût depuis un an, mais cette hausse tend à se stabiliser. On constate en parallèle sur les mois de mai et de juin une diminution du nombre de signature de compromis de vente, associée à une augmentation des négociations du côté acquéreur.
Les investissements se poursuivent donc, mais la main est désormais aux acquéreurs qui reprennent une position de force face aux vendeurs.

On observe par ailleurs une certaine inquiétude des investisseurs par rapport au contexte socio-économique mondial. Ceci a impacté le dynamisme des ventes de ce premier semestre, par rapport aux premiers semestres des années passées. 

 Secteurs de prédilection :

Au sein de ce marché immobilier, on constate une conservation de la répartition des investissements sous la forme suivante : 63% des transactions pour une résidence principale, 30% pour de l’immobilier locatif, et 7% pour une résidence secondaire (chiffre en légère baisse). Une distinction se fait en revanche au niveau du type de bien. En effet, le marché des maisons continue d’augmenter (+10%) et montre une attractivité par rapport au marché des appartements (+7%). De plus, on constate en Ile-de-France un délai de vente des maisons qui se réduit, en parallèle d’une baisse des ventes des appartements. Cette différence amorce déjà un début de rééquilibrage des prix sur le marché des appartements.

Le montant moyen des acquisitions a également atteint de nouveaux records avec 291.000€ pour une maison, et 241.000€ pour un appartement, illustrant ainsi la préférence des investisseurs à emprunter plus et augmenter leur apport, plutôt que de réduire la surface de leurs acquisitions.

Au niveau des régions, c’est la Provence-Alpes-Côte-d’Azur qui remporte la palme de l’attractivité, avec notamment Marseille dont les prix continuent de grimper (+6% sur un an) tandis que dans les autres métropoles, on assiste à une faible croissance voir une stagnation des prix (entre +1% et +2% sur un an).  Plus largement, la région PACA connaît une hausse de 15,5% sur les maisons et de 10,8% sur les appartements.

D’une manière générale, à l’échelle nationale, on constate un ralentissement de la croissance des prix immobilier sur le semestre, par rapport aux années précédentes particulièrement dynamiques. Seules les zones rurales échappent à ce tassement global avec une croissance de +4,6%, certes plus faible qu’en 2021 (+6,9%), mais impressionnante au regard des résultats des années antérieures (+0,9% en 2018, +0,8% en 2019, +2,1% en 2020).

Diminution du nombre de foyers éligibles à l’acquisition

En ce milieu d’année 2022, nous nous trouvons ainsi face à un contexte de marché assez plat, mais avec une demande qui paradoxalement ne faiblit pas. Cette demande qui reste supérieure à l’offre, est impactée par l’inflation et la remontée des taux, contraignant ainsi les foyers dans leurs projets d’investissement.

La baisse du pouvoir d’achat avec une inflation prévue à 7% pour la fin d’année selon l’INSEE, associée à la hausse des taux bancaires qui pourraient atteindre 3% d’ici décembre, limite le budget d’acquisition des investisseurs potentiels, qui perdraient 13% de leur capacité d’emprunt. A cette difficulté, s’ajoute celle du taux d’usure dont la méthode de calcul basée sur les taux du trimestre précédent – dans le but de protéger l’emprunteur – va également réduire le nombre de candidats à la propriété, poussant ainsi les banques à être plus sélectives sur les dossiers retenus.

Par ailleurs, l’augmentation des coûts des matières premières mais aussi des délais et tarifs de livraison, entraine une montée des prix de la construction et de la rénovation. Pour autant, pour les propriétaires, cette hausse des coûts ne sera probablement pas entièrement compensée par la croissance des loyers qui devrait être moins vigoureuse.

Tout ceci peut laisser envisager une légère baisse de l’immobilier, qui sera cependant plus lente et plus faible que le courant de remontée des taux. Si une légère augmentation des transactions a été constatée avec le début de la remontée des taux, celle-ci pourrait bientôt stagner ou diminuer.

 
 

 
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